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Biocoop L'Éveil - Saint-Paul-Lès-Dax

Rencontre avec deux épis phénomènes

Rencontre avec deux épis phénomènes

Le 05/03/2018

À l’occasion de la Semaine des alternatives aux pesticides, notre reporter a rencontré deux maïs. L’un nous arrive en direct des États-Unis, c’est le NK603 de Monsanto, un maïs transgénique conçu pour tolérer le glyphosate, matière active de l’herbicide total Roundup. L’autre, recultivé depuis quelques années, est le Grand Roux basque. Interview croisée…

Maïs bio et Maïs OGM

Rencontre avec deux épis phénomènes

À l’occasion de la Semaine des alternatives aux pesticides, notre reporter a rencontré deux maïs. L’un nous arrive en direct des États-Unis, c’est le NK603 de Monsanto, un maïs transgénique conçu pour tolérer le glyphosate, matière active de l’herbicide total Roundup. L’autre, recultivé depuis quelques années, est le Grand Roux basque. Interview croisée…

 

  • Si je vous dis « pesticides » vous pensez à quoi ?

NK603 : En cette Semaine des alternatives aux pesticides, je m’interroge : on dit que les pesticides sont mauvais, on le sait, mais pas tous. Moi par exemple, je suis né d’aïeuls modifiés en laboratoire et mes concepteurs m’ont permis de tolérer des applications d’herbicide, du glyphosate, sans mourir. Toutes les autres herbes meurent autour de moi, mais pas moi. Et ça, grâce à un gène qui me protège… C’est bien que la molécule n’est pas dangereuse, non ?

 

GRB (Grand Roux basque) : Je ne connais pas personnellement les pesticides synthétiques, juste ce que des voisins m’en ont dit. Ça sent mauvais, mais il paraît que c’est assez efficace pour tuer certains insectes ou certaines autres plantes. Et parfois, ça tue même nos auxiliaires qui nous débarrassent naturellement de ceux qui nous mangent : pas terrible, hein ? Moi je sais que si on m’arrose de glyphosate, je meurs, et plus rien ne pousse autour de moi. C’est bien que ce produit est dangereux, non ?

 

  • Vous sentez-vous des points communs ?

NK603 : On est pareil, hein Grand Roux ? Tous les deux du maïs, on sert à nourrir les animaux. Bon, bien sûr, je suis le plus évolué de nous deux, mais c’est normal car je suis aussi beaucoup plus jeune et j’ai bénéficié d’une technique que mes concepteurs nomment « transgenèse » : ils ont pris un bout du chromosome, un gène appelé EPSPS, et ils me l’ont introduit. Là, honnêtement, j’en ai bavé, parce qu’ils m’ont bombardé avec un canon à gènes, t’aurais vu, les gènes se sont insérés n’importe où et beaucoup de mes potes sont mort-nés ! Mais on est (presque) pareil !

 

GRB (Grand Roux basque) : Mouais, faut l’dire vite. C’est sûr, on est tous les deux des maïs. Enfin, ne te vexe pas, moi plus que toi je pense ! Ben oui, j’ai pas de gènes de bactéries ou d’autres choses dans mon corps, moi. Et puis, je suis tellement bon que je sers non seulement à nourrir le bétail, mais aussi les hommes ! Et on se remet à me cultiver car, tu penses, depuis que j’existe, vers 1800, je me suis bien adapté à mon environnement !

 

  • Vous avez aussi des aïeuls en commun, que leur dites-vous quand vous les rencontrez ?

NK603 :Moi, je rigole. Je les respecte, mes aïeuls, mais je rigole. Vous avez vu notre ancêtre, la téosinte ? Une multitude de petits épis minuscules, des grains qui tombent au sol au moment de la récolte, plein de petites tiges… Non, franchement, on se demande comment ils pouvaient se nourrir avec ça !

 

GRB (Grand Roux basque) : Nos aïeuls, c’est quand même grâce à eux qu’on est là aujourd’hui. Bien sûr, NK603, tu as d’autres parents, et ça t’a pas rendu très indulgent on dirait. Mais ces aïeuls nous ont montré la voie, et grâce à la sélection des hommes qui observaient la nature, nous échangeaient, nous vénéraient aussi (certains, comme les Mexicains, disent que l’homme est issu du maïs), on en est là aujourd’hui, avec une seule tige, un épi plus gros, des grains qui ne tombent pas…

 

  • Quel regard portez-vous sur les plantes bio ?

NK603 : Indulgent. (Tu vois, Grand Roux, que je peux être indulgent !). Les plantes bio ne reçoivent aucun pesticide de synthèse. C’est dur pour elles, il faut qu’elles se défendent seules contre les prédateurs et les mauvaises herbes. Pour moi, c’est plus simple, je pousse sans concurrence puisque toutes les autres plantes alentour ont été tuées. J’ai pitié des plantes en AB, et je leur tends la main : « Demain, la bio sera avec OGM ou ne sera pas ! ».

 

GRB (Grand Roux basque) : J’en fais partie des plantes bio, et je les aime bien. Les paysans qui s’occupent de nous, ils nous bichonnent et on se débrouille bien ensuite : des engrais verts, du compost, des bonnes rotations, des associations de culture (un cousin mexicain m’a raconté qu’on le cultivait souvent avec des haricots et des pastèques !), bref, on est capables avec tout ça de pousser sans problème et de donner des épis sains.

 

  • Vous sentez-vous concernés par la santé humaine et l’environnement ?

NK603 : Absolument ! Au point que je suis prêt à m’effacer au profit des nouveaux OGM qui arrivent, encore plus sûrs pour la santé et l’environnement puisqu’on arrive, gène par gène, à tout contrôler (c’est en tout cas ce qu’ils m’ont dit…). En plus, avec les OGM de première génération, il y a un tas d’agences de sécurité qui nous évaluent (surtout chez vous, en Europe, parce que chez nous, c’est quand même plus facile d’être mis sur le marché). Avec les p’tits nouveaux transgéniques, ça sera encore plus simple, même chez vous, puisque comme ils ressembleront à des plantes naturelles, ils ne seront même pas évalués, ni étiquetés !

 

GRB (Grand Roux basque) : Ah, NK603, tu t’es encore laissé bourrer l’épi ! Tout contrôler ? T’y crois vraiment ? Tu as dit toi-même qu’avec la transgenèse, tu avais plein de copains qui mouraient dès la naissance. Et avec les nouveaux OGM, c’est pareil, il y a plein de transformations non désirées qui chamboulent toute la plante. Alors, côté effets sur la santé humaine, mystère ! Il y a des chercheurs qui ont dit que tu provoquais des tumeurs et des problèmes hépatiques…

Et pour l’environnement, la biodiversité ? Un seul patron, pas une tête qui dépasse dans vos rangs, vous êtes tous pareils et vous vous appelez « variété » ! Laissez-moi rire ! Nous, on est tous différents, et on s’adapte très bien aux nombreux changements qui arrivent en ce moment, dont ce climat qui se réchauffe et ces pluies qui n’arrivent plus au bon moment…

 

  • Comment voyez-vous votre avenir individuel ?

NK603 : Entre nous, je sais que ma durée de vie est courte. Courte en tant que variété (c’est rare qu’on dure plus de 5 à 10 ans grand maximum). Courte sur la propriété : les brevets de nos proprios ne sont pas éternels (20 ans maxi). Bref, on est des voitures de course : on va vite mais pas bien loin ! C’est notre nature d’être en dehors de la Nature.

 

GRB (Grand Roux basque) : Ben dis, NK603, c’est pas bien gai d’être un OGM ! Moi, je me vois grand-père et même arrière-arrière-grand-père d’un tas de rejetons différents, adaptés à des terroirs, servant à cuisiner des plats succulents comme de la polenta ou la taloa, tu sais, cette délicieuse galette de maïs basque…

 

 

Merci à Frédéric PRAT d’Inf’OGM qui a su se glisser dans l’enveloppe de ces deux épis !

 

Depuis 1999, l’association Inf’OGM enquête et informe ses lecteurs sur les OGM et, plus récemment, sur les semences. Au cours de ces années, Inf’OGM a dressé plusieurs constats : les procédures d’évaluation sont incomplètes et incompatibles avec la rigueur scientifique ; la contamination par des OGM est techniquement inévitable s’ils sont disséminés à grande échelle ; les OGM sont commercialisés contre l’avis des populations ; enfin, les plantes issues des nouvelles biotechnologies sont des OGM.

 

À l’occasion de la Semaine des alternatives aux pesticides, notre reporter a rencontré deux maïs. L’un nous arrive en direct des États-Unis, c’est le NK603 de Monsanto, un maïs transgénique conçu pour tolérer le glyphosate, matière active de l’herbicide total Roundup. L’autre, recultivé depuis quelques années, est le Grand Roux basque. Interview croisée…

  

  • Comment va votre santé aujourd’hui ?

NK603 : Pour ceux d’entre nous qui avons survécu, ça ne va pas trop mal. On nous sème chaque année partout où l’on est autorisé, notamment aux États-Unis, au Canada, au Brésil, en Argentine, on nous cultive avec plein de fertilisants, beaucoup de glyphosate, et on a des bons rendements (enfin, en gros les mêmes que les autres maïs non modifiés). Bien sûr, j’ai compris qu’au final, on était plein de résidus du glyphosate qui se décomposent dans toutes nos cellules (à cause de ça, on a même augmenté officiellement le taux permis des résidus). Mais ça n’a pas l’air d’être mauvais, puisqu’on nous mange !

 

GRB (Grand Roux basque) : En pleine forme ! Regardez-moi : près de deux mètres pour certains d’entre nous, belle couleur jaune ocre orangé, délicieux épis de taille moyenne… Le tout, sans aucun produit chimique de synthèse. Non, franchement, pour nous, tout va bien.

 

  • Lequel de vous deux est l’avenir de l’agriculture ?

NK603 : De quelle agriculture ? Celle qui nourrit les villes ou celle qui nourrit les riches ? Nous, OGM, on est fait pour produire beaucoup, sans beaucoup d’agriculteurs. Ainsi, les gens peuvent aller travailler en ville et manger à moindre coût. Mais il paraît que je suis déjà « has been » comme ils disent chez moi, aux States. Parce que d’autres plantes arrivent, pas transgéniques celles-là, des « nouveaux OGM », qui auront toutes les qualités requises pour bien pousser. Alors, l’avenir, c’est pas moi (bien qu’on soit très nombreuses encore aujourd’hui pour nourrir le bétail), mais mes cousines mutées, ça c’est sûr que oui.

 

GRB (Grand Roux basque) : De quelle agriculture ? Bonne question NK603 ! En tout cas, moi je ne suis pas l’avenir de l’agriculture que tu décris, sans paysans et avec des OGM et nouveaux OGM brevetés partout. Non, je me sens en harmonie avec les paysans qui me cultivent, me sélectionnent pour mon terroir, m’accompagnent dans mon évolution, m’échangent avec leurs voisins…

 

  • Et qui est selon vous le plus rentable ?

NK603 : Rentable pour qui ? Moi, je sais d’où je viens et pour qui je travaille ! Et mes concepteurs sont contents de moi : chaque année, les paysans doivent nous racheter, avec le droit de nous cultiver seulement pour un an. Et l’obligation d’acheter leur produit qui va avec ! Et gare à ceux qui nous gardent pour nous ressemer : nos concepteurs, semenciers très puissants, les retrouvent et les obligent à payer des amendes… Alors, côté rentabilité, oui, on peut dire qu’on se défend pas mal.

 

GRB (Grand Roux basque) : NK603, tu appartiens à un patron à qui tu rapportes de l’argent, mais sais-tu que ce patron te lâchera dès qu’il aura mis au point une plante encore plus rentable pour lui ? Moi, si je suis rentable ? Bien sûr que oui, un épi donne plus de 200 grains que le paysan peut, sans rien payer à quiconque, ressemer, le tout sans intrants chimiques, si c’est pas rentable, ça ! Et les consommateurs, avides de bons produits, me recherchent de plus en plus…

  

Repères : les OGM dans le monde

La plupart des OGM cultivés dans le monde sont ceux de première génération, donc les OGM transgéniques. En l’absence de chiffres officiels, les chiffres consolidés au niveau international sont fournis par l’ISAAA*, un organisme soutenu par les principales transnationales semencières.

185,1 millions d’hectares ont été cultivés en 2016 dans 26 pays (sur 193 pays en tout), principalement en soja (50 %), maïs (33 %), coton (12 %) et colza (5 %). À eux seuls, les États-Unis cultivent 39 % des OGM, suivis par le Brésil (27 %), l’Argentine (13 %) et le Canada (6 %), soit 85 % des OGM mondiaux sur le continent américain.

Dans l’Union européenne, un seul « événement transgénique** » est autorisé à la culture : le MON810 de Monsanto. Mais seuls l’Espagne (124 000 ha) et le Portugal (6 300 ha) en cultivent. L’Union européenne permet en revanche la culture d’OGM cachés, issus de mutations, comme le colza et le tournesol. Elle permet aussi l’importation massive d’OGM transgéniques pour l’alimentation animale (essentiellement soja et colza).

On peut retrouver toutes ces informations sur www.infogm.org

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